- Nino dans la nuit -
On va manger quoi ? Des animaux morts, du lait de vache violée, des crevettes pêchées par des esclaves ou du dérivé de tomates italiennes à base du sang de l’ennemi du clan qui tient l’usine. J’ai l’impression que derrière chaque article dans chaque rayon, quelqu’un quelque part s’est fait baiser ou essaye de me la mettre à moi. (…) Je regarde les fantômes des enfants du Kenya courir sur les emballages des Mars en me jetant des fèves de cacao à la gueule. Y en a un qui me dit, si t’achètes tu cautionnes. Si tu voles, c’est pas bien mais c’est pas grave. Alors nique. (…)
Les rayons sont tellement remplis de merde que je sais même plus quoi prendre (…). J’ai envie d’une pizza mais c’est trop gros alors je me rabats sur le fromage, quatre ou cinq des chers. Je prends le camembert le plus luxe du rayon et je le change de boîte avec le plus pauvre caché en bas sous le logo discount. (…) J’enlève patiemment toutes les feuilles des mandarines corses pour qu’elles soient comme les espagnoles qui coûtent quatre fois moins cher, et quand j’ai collé l’étiquette je reviens dans le rayon pour finir de remplir le sac que j’ai pesé à moitié vide. Je prends sans me presser plein de trucs verts et bio emballés individuellement dans leur carton imprimé jardin pour être vendus au tarif grosse blinde, et je vire tous les emballages pour aller les peser dans les sacs à légumes pour pauvres au tarif que je pense être le bon, le moins cher quoi.  (…)
J’ai aussi volé des boîtes de poisson, des pâtes fraîches aux cèpes et des poivrons marinés. Je dois faire attention quand je marche que tout ça fasse pas trop de musique dans mon dos, et en souriant dans ma tête je me dis qu’il est loin le temps où je pensais que les codes-barres c’étaient des antivols.​​​​​​​
Capucine et Simon Johannin, 2019.

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